Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Archipels », d’Hélène Gaudy : exploration de la terra incognita paternelle

« Archipels », d’Hélène Gaudy, L’Olivier, 286 p., 21 €, numérique 15 €.
Il arrive que, voguant paisiblement sur des eaux calmes, nous rencontrions une île qu’un courant inconnu a doucement poussée vers nous. Celle que découvre Hélène Gaudy se trouve en Louisiane, dans le delta du Mississippi. Quand elle l’aperçoit à l’horizon, ce morceau de terre est sur le point de disparaître, englouti par la hausse du niveau des océans sous l’effet du réchauffement climatique. Cette île porte un nom, Jean Charles, qui résonne étrangement aux oreilles de l’autrice : c’est celui de son père. Est-ce un hasard ou un signe ? Le signe peut-être qu’il serait temps d’embarquer vers cet être, cette grande parcelle de mystère qu’elle n’a jamais tenté de ­pénétrer. C’est ce voyage qu’Hélène Gaudy se propose de faire dans Archipels.
L’entreprise n’est pas aisée. ­Lorsqu’un terrain se noie, ses contours se dissolvent, son sol se ramollit. Il faut l’aborder avec ­prudence. De même, c’est avec précaution qu’Hélène Gaudy approche son père, artiste peintre auprès de qui elle a grandi à Paris, et qui, en dehors des jeux d’enfant qu’il partageait joyeusement avec elle, a toujours semblé se tenir dans le lointain, cultivant une vie secrète. Ainsi, elle lui donne rendez-vous dans un « lieu neutre », un café, comme on a coutume de le faire lorsqu’on appréhende une discussion difficile.
Dans les premières pages d’Archipels, on le sent, il y a de la peur. Mais elle se mêle à l’urgence, semblable peut-être à celle qu’éprouvèrent les explorateurs dont l’autrice a fait les héros de son ­précédent récit, Un monde sans ­rivage (Actes Sud, 2019). A partir d’images en noir et blanc et d’un journal d’expédition, elle imaginait alors l’aventure de trois hommes qui tentèrent d’atteindre le pôle Nord en ballon, en 1897, avant de disparaître. La terre qu’elle arpente dans ­Archipels n’est pas lointaine ; au contraire, elle l’a toujours connue, mais elle lui est toujours demeurée obscure. Son père dit ne pas avoir de souvenirs. De l’enfance : rien. De l’adolescence : rien. Aux choses qui resurgissent, il préfère celles qui surviennent : « Regarde », répète-t-il sans cesse.
Pourtant, Hélène Gaudy est persuadée que les souvenirs sont là, qu’ils continuent d’agir en lui. Ils ont simplement perdu leurs images. A leur poursuite, elle se lance dans une quête patiente qui commence par l’atelier parisien de son père, où sont entreposées ses toiles parmi des centaines d’objets glanés sur des marchés, aux puces, dans des bazars.
Il vous reste 43.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish